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Myshelf

Harcèlement, 1

29 Juillet 2015, 06:47am

Publié par Narcipat

NEUF

 

HARCÈLEMENT

 

À la fin des années 60 et tout au long des années 70, Harry Crowder fut un acteur de télé américain populaire, qui assura divers rôles secondaires dans bon nombre de sitcom et de drames domestiques. En 1974, il lança sa propre série, une gentille comédie familiale tournant autour d’un avocat veuf qui élevait tout seul ses trois enfants dans une bourgade rurale du Midwest. Cette série eut un succès immédiat, qui dura une décennie entière. En 1984, ayant soigneusement garni ses comptes et investi l’argent qu’il avait gagné pendant ses vingt ans de réussite télévisuelle, Crowder acheta une propriété à Bel Air, parmi les résidences des étoiles du cinéma. Le jour de son entrée dans les lieux, , il donna une conférence de presse dans laquelle il annonça qu’il se retirait des plateaux.

« J’ai 60 ans, j’ai eu une bonne carrière, j’ai fait tout ce que je voulais faire à la télévision, et je ne suis pas à un dollar ou deux près. Alors le temps est venu pour moi de m’étendre sur ma chaise longue et de m’imbiber du soleil californien. »

La propriété était vaste. Pour un homme qui vivait seul – Crowder avait une assistante personnelle, Audrey Neal, qui rentrait le soir; deux jardiniers qui ne travaillaient que le matin; un gardien de nuit et un boxer – l’endroit semblait ridiculement immense.

La maison était disposée en carré autour d’une cour centrale dotée d’une grande fontaine ornementale, une copie en céramique de celle du Parc de la Citadelle de Mexico. Au rez-de-chaussée se trouvaient trois salles de réception, une  longue salle de séjour avec un bar encastré à chaque extrémité, une salle à manger, un salon, une bibliothèque et une salle de jeux. À l’étage, six chambres avec salles de bains attenantes, une véranda et une petite salle de cinéma. Le sous-sol abritait un sauna, un gymnase et une grande buanderie. Les pelouses et les jardins couvraient un acre [1] de colline paysagée. À l’arrière d’une imitation de serre castillane, où Crowder avait prévu de faire pousser des fruits exotiques, se trouvait un mur de trois mètres de haut, ceignant une piscine de dimensions olympiques.

« Harry Crowder a été réellement heureux ici pendant environ un mois », dit l’A.P., Audrey Neal. Elle avait 29 ans à l’époque où Crowder s’était installé dans les lieux, c’était une blonde d’une séduction saisissante, et elle savait que les gens murmuraient qu’elle était en réalité sa maîtresse. « Je pouvais m’en débrouiller. J’étais une secrétaire qualifiée, et il y avait toujours eu des rumeurs sur mes relations avec les trois hommes d’affaires pour lesquels j’avais travaillé depuis que j’avais quitté la Fac. Pas de problème pour moi, il y a toujours un prix à payer pour un bon emploi et une apparence agréable. Les gens supposent automatiquement que je suis une tête de linotte dotée d’un pelvis calculateur, et d’aucun scrupule susceptible de se mettre en travers de mon ambition.

Le fait était qu’Audrey croyait pouvoir garder séparés son emploi et sa vie privée. Elle trouvait les rumeurs touchant ses relations avec Harry Crowder particulièrement amusantes, du fait qu’il était célibataire et homosexuel.

« Cinq jours par semaine, je m’occupais des courriers de ses fans et de toute sa correspondance normale, ce qui veut dire une sacrée liasse. Je tenais à jour les comptes de la maisonnée, approvisionnais les différents tiroirs, donnais des ordres aux jardiniers, promenais le chien, et organisais les petites fêtes hebdomadaires qu’Harry donnait à ses amis et connaissances. L’annonce qu’il avait faite à la presse en prenant sa retraite reflétait l’entière vérité : il projetait de se reposer, de prendre le soleil, et d’une manière générale, de faire de longues et belles vacances du laps de vie qui lui restait. »

Cinq semaines après l’installation de Crowder, il commença à recevoir des messages menaçants dans sa boîte aux lettres. Le premier, tamponné à Hollywood, était tapé à la machine et disait:

TU NE MÉRITES PAS LA VIE QUE TU AS CHOISIE.

ELLE VA TOURNER MAL POUR TOI, JE M’EN CHARGE.

Le message n’était pas signé, et Harry affecta de le négliger comme l’œuvre d’un fou inoffensif.

« Mais ça l’avait atteint, et comment! », dit Audrey. « C’était un homme sensible, qui s’était toujours gardé de lire les mauvaises critiques – non pourtant qu’il en ait eu beaucoup! Le seul type de courrier qu’il recevait du public, année après année, était du genre déluge de flagorneries. Il était branché sur la gentillesse, il ne pouvait pas faire face à la moindre méchanceté. »

Le second message arriva trois jours après le premier, tamponné à Hollywood comme le précédent. L’adresse était tapée, mais le texte était écrit au crayon, en grandes capitales, sur le même papier bleu :

PRENDS GARDE À MOI, HARRY. MOI, JE T’OBSERVE,

ET J’ATTENDS DE TE FAITRE SOUFFRIR.

LE VERSEAU PEUT FAIRE ÇA.

« Je voulais apporter ces messages à la police », dit Audrey, « mais Harry ne voulait pas en entendre parler. Pas question de souffrir la moindre ride sur sa tranquillité, et il ne voulait tout spécialement pas de vigiles patrouillant dans le jardin ou plantés à la grille, comme certains de ses voisins. Sa retraite, pour lui, signifiait la liberté, une sorte de levée d’écrou; ce que le public n’avait jamais su, en effet, c’est qu’Harry détestait le travail d’acteur, exécrait la télé et tout ce qui s’y liait. Il avait purgé sa peine, voilà ce qu’il m’avait dit. Il n’était au pouvoir de personne de le ramener dans ce piège à rat. »

Crowder commença à surveiller les grilles depuis une fenêtre, à l’étage. Il se servait d’un téléscope à longue portée, et, à l’occasion, quand il se promenait dans le jardin, il emportait une paire de jumelles, qu’il braquait à plusieurs reprises sur le mur d’enceinte, affectant de le faire fortuitement, comme s’il surveillait simplement sa propriété.

« Il était terrifié à l’idée que quelqu’un pénètre à l’intérieur », dit Audrey. « Il y avait des caméras sur les murs, à la grille et partout à l’extérieur, mais la menace était si vague qu’elle laissait du train à l’imagination, et Harry devenait fou. Il vous parlait de quelque chose comme d’une nouvelle crème glacée qu’il avait découverte, ou de la façon dont il allait remanier le mobilier de la salle de séjour, et soudain il s’arrêtait tout net, se dressait et regardait avec les jumelles. À d’autres moments, il me disait à quel point il était ridicule que quelqu’un s’en prenne  à lui et lui adresse des menaces, puisque de sa vie il ne s’était fait un ennemi. Il était réellement terrifié. »

Le troisième message arriva deux jours après le second. Audrey voyait l’épouvante envahir le visage d’Harry à mesure qu’il dépliait le papier bleu. Cela disait :

AUJOURD’HUI, HARRY, AUJOURD’HUI ÇA COMMENCE.

LE VERSEAU A LE POUVOIR.

« Il commençait à craquer », dit Audrey. Je ne crois pas avoir jamais vu un homme aussi sensible. Il m’a tendu la lettre, a ouvert la bouche pour dire quelque chose, et puis s’est contenté d’un vague haussement d’épaules et du “gulp” de celui qui avale un trop gros morceau. Impulsivement, je l’ai serré dans mes bras comme un enfant, et il m’a laissée faire. Je lui ai dit de ne pas accorder une importance disproportionnée à une chose de ce genre : ce que c’était, il l’avait dit d’emblée : du courrier de malade. Les stars en reçoivent tout le temps, elles gèrent le problème, elles prennent des précautions, et elles posent des barrières entre elles et les gens qui veulent les effrayer ou leur faire du mal. »

Harry Crowder sembla en mauvais point tout le reste de la journée. Dans l’après-midi il dit à Audrey que toute sa vie il avait gardé par-devers lui la pensée que s’il trouvait le bonheur un jour, apparaîtrait quelqu’un qui le lui arracherait. Une diseuse de bonne aventure lui avait dit à Santa Monica, quarante ans plus tôt, qu’il finirait par être la victime de quelque chose de “noir et sans nom” s’il ne se protégeait pas. « Mais elle ne m’a pas dit comment », ajouta-t-il.

Audrey réalisait pour la première fois la profondeur de sa superstition. « Ces allusions au Verseau, elles visaient droit à un élément vulnérable de sa psyché. Je l’ai interrogé là-dessus. »

Crowder dit qu’il ne savait pas ce que signifiaient ces allusions. Audrey ne le crut pas. Pour lui rendre plus facile d’en parler, elle suggéra que ce pouvait être quelque chose qu’il aurait refoulé, et qu’il pourrait se remémorer en y réfléchissant calmement. Mais il répéta avec insistance qu’il ignorait la signification de ces remarques, qu’il ne l’avait jamais sue, qu’il n’avait rien refoulé. Audrey insista un peu plus fort, puis rétrograda, s’avisant que l’intensité de son interrogatoire était bien capable de la priver d’emploi.

« Il s’est mis en colère contre moi », dit Audrey. « J’ai donc présenté des excuses : j’ai dit que je n’essayais que de trouver un moyen d’apporter mon aide. Il l’a admis, et je pense qu’il m’a pardonné d’avoir montré tant d’insistance. »

Cet après-midi-là, Harry Crowder se conforma à un de ses habituels préparatifs de nuit qui consistait à se pulvériser dans les narines un décongestif prescrit par son médecin. Sauf que cette fois ce n’est pas ce médicament qu’il se pulvérisa dans le nez, mais quelque chose qui le brûla comme du feu. Hurlant de douleur, il se précipita de la maison à la guérite de sécurité du portail. Le garde appela les services médicaux d’urgence et essaya de calmer son patron. Crowder souffrait terriblement. Il ne cessa de hurler au gardien de se manier le  train que pour courir à une fontaine s’éclabousser le visage d’eau.

Les infirmiers finirent par arriver, et, après un bref examen du nez de Crowder, ils décidèrent qu’il devrait être traité à l’hôpital. Ils l’emmenèrent aux urgences où un technicien emporta le spray nasal en vue d’un examen, pendant qu’un médecin traitait Crowder pour sévère irritation des conduits nasaux et des sinus faciaux supérieurs.

« Le technicien du laboratoire a pris sur lui d’appeler la police », dit Audrey. « Harry en était furieux, mais c’était arrivé, et il n’y pouvait rien. D’ailleurs, il relevait de l’évidence que quelque chose de concret devait être fait. Qui qui l’attaquât, il fallait qu’il se défende. Le spray contenait une solution diluée d’acide acétique, assez corsée pour provoquer une déshydratation et des brûlures sérieuses. Un chirurgien dit à Harry que si mauvais que ce fût, ç’aurait pu être bien pire. »

La police conserva le spray. Le détective chargé de l’enquête, Bud Altman du LAPD, demanda à Audrey si elle connaissait la signification de l’étiquette qui figurait au bas du flacon. Audrey regarda. C’était le symbole “Verseau” du Zodiaque.

Crowder mit longtemps à récupérer. Les membranes délicates du nez, des sinus et de la partie supérieure de la gorge avaient été gravement endommagées. Avaler lui causait de vives souffrances, et il ne pouvait prendre d’aliment que liquide, administré grâce à un tube qui évitait les tissus en cours de lente cicatrisation.

« Je ne pouvais pas trop gérer ce qui arrivait », dit l’Inspecteur Altman. « M. Crowder ne voulait pas communiquer. Je lui aurais serré la vis s’il avait été en meilleure forme, et si j’avais pensé qu’il protégeait quelqu’un; mais il était réellement malade, et je me rendais compte qu’il était autant dans l’obscurité que nous tous. J’ai décidé d’attendre, juste de fureter un moment dans ses antécédents, et plus tard peut-être, de mettre un peu plus de pression pour obtenir un nom ou deux, et peut-être un début de théorie sur la façon dont un intrus avait pu s’introduire chez lui et falsifier son médicament. »

Vers cette époque, Audrey Neal se mit elle-même en arrêt de travail, et renonça à son salaire tant qu’elle ne serait pas revenue.  « Il était important que je sois éliminée de la liste des suspects aussi vite que possible », dit-elle. « Personne n’était plus proche d’Harry, alors il était naturel que je sois dans le collimateur, du point de vue de la police… et peut-être aussi de celui d’Harry! »

À la résidence, la sécurité faisait désormais le tour du cadran, et l’ancien gardien-unique était passé à six de jour et quatre de nuit. Des détecteurs de chaleur furent installés, et le boxer avait à présent pour compagnons de jeux trois dobermans hautement disciplinés.

Le quatrième message arriva dix jours après le troisième, par la poste de midi. Ce matin-là, Harry Crowder s’était trouvé à l’étage avec ses jumelles, et il avait vu une femme, debout, de l’autre côté du portail principal, regardant la maison. Elle était toute vêtue de noir, avec un chapeau à larges bords et un voile noir qui lui couvrait toute la partie inférieure du visage. Il avait appelé l’inspecteur Altman, qui avait roulé droit à la résidence. Lorsqu’il était arrivé, la femme avait disparu.

« Moi, ça me paraissait du cinéma », dit Altman, « mais Crowder avait le trouillomètre à zéro. À l’entendre, on aurait dit qu’il avait vu la Faucheuse. Il était à moitié hors de lui, pris de hoquet et battant des bras, et j’ai pensé que quelqu’un connaissait la manière de foutre les jetons à ce gars-là sans trop se fouler . »

Altman était encore à la résidence quand le message arriva. Crowder reconnut l’enveloppe, donc Altman lui dit de la lui confier : il l’ouvrirait avec des gants de latex. Sur le même papier que les deux précédents, le message disait :

ES-TU GUÉRI DE TON RHUME, HARRY?

IL Y A PIRE EN ROUTE. LE VERSEAU PEUT ATTEINDRE 

TON CŒUR.

« Le message lui-même suffisait pour le mettre en transe », dit Altman, « même s’il en ignorait la signification. « J’ai fait ce que j’ai pu pour le rassurer. Je lui ai rappelé que l’endroit était sous forte garde nuit et jour, et qu’entre lui et des secours immédiats, il n’y avait qu’un bouton à presser. Ça ne l’a guère apaisé. La peur s’était glissée dans sa tête, et, du fait qu’il ne pouvait la préciser, elle avait une présence très puissante, comme un fantôme malveillant. »

Le lendemain après-midi, Crowder passa un appel urgent à son médecin, et un autre à l’inspecteur Altman. Le médecin, Lloyd Rainer, arriva sur les lieux le premier, et trouva son patient dans un état proche de l’effondrement.

« Je l’ai ausculté, et j’ai constaté que sa pression sanguine avait notablement augmenté », dit Rainer. « Il était fatigué, il se plaignait d’un sentiment de pesanteur dans le cou et l’abdomen, et il avait de l’œdème aux chevilles. Ces signes m’indiquaient qu’Harry souffrait d’une défaillance cardiaque du ventricule droit. »

La défaillance ventriculaire droite est un état résultant de l’échec du cœur à maintenir une circulation adéquate du sang, échec dû au débit inadéquat du ventricule droit.

« Cela peut venir de nombreuses causes », dit Rainer. « Artériosclérose, péricardite, insuffisance coronarienne : j’étais surpris de ne pas avoir repéré ces symptômes plus tôt, mais enfin c’était comme ça, les signes étaient clairs et ne prêtaient pas à confusion. »

La réaction de Crowder à ce diagnostic provisoire fut un début de panique :

« C’est ce qu’il a dit! » hurla-t-il. « Le Verseau peut atteindre mon cœur. Seigneur! C’est ce qu’il fait! C’est ce qu’il fait! »

Le bouleversement de Crowder s’aggrava à tel point que le Dr Rainer dut lui donner un sédatif. Pendant ce temps, l’Inspecteur Altman faisait le point sur le contexte, et essayait de tracer une ligne d’enquête.

« J’avais l’habitude de reconstituer des histoires criminelles », dit Altman, « mais ça, c’était complètement différent. J’avais un état de la carrière d’Harry Crowder depuis le premier pas qu’il avait fait dans un studio de télévision jusqu’au jour où il avait pris sa retraite, après avoir joué la sixième saison de son sitcom. C’était la chronique d’une carrière dans le divertissement, et on aurait dit le brouillon d’une liste de noms célèbres, mais je dois dire, pour une vie dans le showbiz, elle était spécialement vierge de scandale. »

Crowder avait vécu à Los Angeles avec ses parents et son frère cadet, Alan, jusqu’à l’âge de 20 ans. À cette époque, ayant décroché un contrat pour un “travail contextuel” dans des films ou des émissions de télévision, il gagnait assez d’argent pour subvenir à ses besoins, et il avait déménagé dans un petit appartement donnant sur Hollywood Boulevard. De ce moment jusqu’à sa retraite, il avait loué une suite d’appartements et de bungalows, dont il partageait certains avec ses amants, bien qu’aucune de ses relations avec d’autres hommes ne parût durer bien longtemps.

« Naturellement, j’espérais trouver une clef dans ses antécédents », dit Altman, « un ancien partenaire qui lui aurait gardé rancune, quelque chose comme ça, mais il n’y avait aucun rapport là-dessus, aucune mention dans les dossiers ou les coupures de presse d’une quelconque acrimonie ou d’une querelle entre Crowder et quiconque. Non que ce fût un type en or, il était simplement prudent : il ne se liait jamais à des gens plus excitables que lui [2]. »

Un ancien amant révéla que Crowder était resté sans compagnon depuis 1981, l’époque ou des rumeurs d’un “mal gay” circulaient à Hollywood, et où des rapports sur le Syndrome Homosexuel, qu’on appellerait plus tard SIDA, firent leur apparition dans la littérature scientifique et médicale.

« Il n’avait pas d’ennemis du tout, autant que je pusse dire », dit l’ancien agent de Crowder. « Mais il n’avait pas non plus d’amis proches. Peu à peu, à mesure que le temps passait et qu’il se retirait de tel club ou de telle organisation, j’ai réalisé que son isolement – car c’est à cela que ça revenait – dérivait de son contrôle prudent de l’argent. Il n’était pas homme à laisser quoi que ce soit empiéter sur son capital. Même cette résidence extravagante avec ses fêtes hebdomadaires, tout cela était calculé en vue d’un profit. C’était un investisseur zéro-risque de première classe, qui n’a jamais gaspillé un dollar de sa vie. Des gens de ce genre ont rarement de vrais amis. Je pense que c’est parce que leur ordre de priorités met les relations humaines dans une position quelque part au bas de l’échelle qui culmine à l’économie domestique ou à la gestion financière en général. »

Le Dr Rainer ordonna un traitement à Crowder pour l’état de son cœur. « Nous avons fait tous les examens d’abord, bien entendu », dit Rainer, « et, bien qu’ils aient confirmé une défaillance cardiaque du ventricule droit, ils ne correspondaient pas à la description classique de cet état. Difficile de dire ce qui n’allait pas : peut-être la relative intensité d’un symptôme par rapport à un autre, leur manière de ne pas trancher de la manière que nous aurions attendue. À ce jour je ne saurais le préciser. Je sais seulement que nous étions sûrs qu’il avait une déf. card. du V. D., même si nous trouvions quelque chose d’inhabituel aux résultats de l’examen. »

Trois infirmières faisaient chacune un service de huit heures à la résidence Crowder pour contrôler son état, s’assurer qu’il se reposait, et prenait ses médicaments aux heures requises. Mais il ne semblait pas réagir au traitement : à supposer un changement, son état empira plutôt légèrement. Le quatrième jour, il eut une crise de palpitations qui dura une heure et le laissa terrifié. Quand l’infirmière de service l’eut calmé, que le Dr Rainer fut venu et lui eut administré un sédatif, Crowder demanda à parler à l’Inspecteur Altman.

« Il m’a dit qu’il était totalement dans le noir, mais que tout de même, il fallait qu’il lâche à quelqu’un le petit lopin qu’il avait toujours gardé par-devers lui. Il m’a dit que pour autant qu’il sût, sa vie dépendait de ce qu’il pouvait révéler sur la signification de cette histoire de Verseau. »

 

1. 0,40 hectare. Pas de quoi en faire un opéra. Mais le terrain est cher dans ce coin-là.

 

2. “with a higher speed rating than he had.” : je n’arrive pas à trouver une traduction française de ce speed rating, distinction en vigueur pour les pneus : tel type, à telle vitesse, ne peut porter plus de tel poids. Ce qui n’éluciderait pas la métaphore, qui semble originale. Altman semble vouloir dire (on s’en doutait) que Crowder est engourdi, non de la sensibilité, très vive pour ce qui le concerne directement, mais de l’altruisme... ou du tempérament.

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